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L'autre handicap

par Moncef Wafi

L'autorisation donnée par le gouvernement aux écoles privées destinées à la prise en charge des enfants handicapés ne peut être perçue comme une bonne initiative du moment qu'elle va encore creuser le fossé social et précipiter cette catégorie aux besoins spécifiques dans une plus grande précarité.

 Même si la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, a soutenu que cette mesure «ne constitue pas un désengagement quelconque de l'Etat de ses responsabilités envers cette catégorie, mais plutôt un appui du secteur privé aux efforts de l'Etat dans le domaine de la solidarité envers cette catégorie», il est difficile de croire à des raisons philanthropiques de ces écoles. Le fait même de parler d'appui est en total décalage avec la réalité, parce que ces établissements spécialisés seront ouverts pour des gens aisés avec des mensualités d'inscription qui ne sont pas données.

L'Etat, au lieu d'autoriser le privé à ouvrir, l'argent faisant la sélection parmi les admissions, devra plutôt investir dans les associations des enfants handicapés qui se battent, au quotidien, pour assurer la prise en charge de ces enfants. L'avenir n'étant pas forcément dans la multiplication des écoles privées qui ne peuvent prendre en charge les enfants défavorisés, mais dans l'ouverture de classes spécialisées et l'accompagnement de ces enfants dans les établissements scolaires, à défaut d'une éducation inclusive garantie par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIRDPH), pourtant ratifiée par l'Algérie en 2009.

Cette éducation inclusive prévoit que l'enfant handicapé a le droit de fréquenter l'école ordinaire avec les autres enfants de son âge sans aucune discrimination liée à son handicap. En Algérie, l'éducation est garantie constitutionnellement et l'article 53 de la Constitution consacre la garantie du droit à l'enseignement, sa gratuité et le caractère obligatoire de l'enseignement fondamental. En théorie seulement, puisque les enfants autistes, trisomiques ou atteints d'infirmité motrice cérébrale, sont systématiquement exclus du système éducatif classique. En effet, si le droit de ces enfants pour une scolarité est garanti par les textes, il en est autrement sur le terrain où la chose devient plus complexe en face d'une inadaptation du système éducatif avec cette donne et la difficulté de disposer d'un auxiliaire de vie scolaire, indispensable au suivi des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire.

Le Maroc, pour prendre son exemple, a équipé ses écoles grâce aux dons de l'Unicef en termes de rampe d'accès, de tables et de chaises spécifiques à cette catégorie d'apprenants. L'implication des pouvoirs publics doit aussi se matérialiser à travers la revalorisation de la pension allouée aux handicapés, plus qu'insuffisante dans un pays où même un homme en plein possession de ses moyens n'arrive pas à s'en sortir.